Au Mali, un document confidentiel met un peu plus à mal l’avenir de l’accord d’Alger
Le courrier, adressé par les autorités maliennes à l’Algérie, dénonce les « violations » de l’accord par les anciens rebelles du Nord et la passivité de la médiation internationale.
C’est un nouveau coup de canif porté à la relation déjà bien détériorée entre les anciens rebelles indépendantistes du Nord, signataires de l’accord de paix dit d’Alger, et le gouvernement de Bamako. Le 24 février, ce dernier a adressé, par la voix de son ministre de la Réconciliation, le colonel Ismaël Wagué, un courrier corrosif au ministre des Affaires étrangères algérien, Ramtane Lamamra.
Le document confidentiel, dont l’authenticité à été confirmée à Jeune Afrique par une source officielle malienne, porte sur ce que Bamako qualifie comme des « violations » de l’Accord de paix et de réconciliation par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
« Violations répétées »
Adressée à Alger, en sa qualité de chef de file de la médiation internationale pour l’accord, la missive marque une nouvelle étape dans l’escalade entre les mouvements signataires et le gouvernement malien.
Qualifiés d’ « ennemis de la paix », les mouvements qui composent la CMA sont indexés pour n’avoir « cessé de violer l’accord », pointe le colonel Wagué. Des violations telles que « l’installation d’états-majors par certains mouvements armés dans le Gourma », ou encore « la conduite de patrouilles […] par des entités non reconnues, sans concertation, ni accord du gouvernement », peut-on lire dans le document.
Rappelant « le caractère participatif et consensuel de la transition », le ministre malien prend surtout à partie la médiation internationale, dont Alger est le chef de file. « L’attitude de certains mouvements, suivie de l’absence de réaction de la médiation, jettent un discrédit sur cette dernière », vilipende le document.
Des mots qui jettent un peu plus le doute quant à l’avenir de l’accord, déjà extrêmement fragilisé et jugés « très inquiétants » par les responsables de la CMA contactés, qui n’ont pas souhaité commenter davantage le courrier.
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Médiation algérienne
Ce dernier devrait compliquer un peu plus la tâche de la médiation internationale, alors même que l’Algérie a récemment relancé les tractations diplomatiques sur le dossier malien. Depuis plusieurs semaines, Alger multiplie en effet les rencontres avec les différentes parties signataires, tantôt à Bamako, tantôt à Alger
Mi-janvier, les ministres maliens de la Réconciliation et des Affaires étrangères, Ismaël Wagué et Abdoulaye Diop, ont été reçus par le président Abdelmadjid Tebboune.
Onze représentants des mouvements signataires, parmi lesquels le président en exercice de la CMA, Alghabass Ag Intalla, ont ainsi rencontré le président Tebboune et le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Ils sont, à ce jour, toujours présents à Alger.




Report du calendrier électoral ?
En plus de mettre à mal l’accord de paix, le document jette le doute sur le respect du calendrier électoral. Alors qu’une large partie de la classe politique, de la société civile et de la communauté internationale réclame la tenue d’élections démocratiques dans les meilleurs délais, le ministre de la Réconciliation affirme que les violations imputées à la CMA « empêchent la création d’un climat de sérénité nécessaire pour le retour à l’ordre constitutionnel ».
Une manière à peine voilée de préparer l’opinion au report des élections prévues ? Le retard pris sur le chronogramme rend, quoi qu’il en soit, fortement improbable la tenue du premier scrutin prévu par la transition : le référendum constitutionnel du 19 mars. L’élection présidentielle, elle, est censée se tenir d’ici à février 2024.
Fournis par Jeune Afrique